(Paul Figuier a eu la gentillesse d’accorder un entretien à BaroquiadeS au lendemain de la reprise de Rinaldo par le Festival de Saint-Céré au château de Castelnau-Bretenoux – voir le compte-rendu)
BaroquiadeS : Bonjour Paul et merci de nous accorder cet entretien. Pour permettre à nos lecteurs de mieux vous connaître pouvez-vous nous parler de votre parcours, du chemin qui vous a conduit au baroque et à la voix de contre-ténor ?
Paul Figuier: C’est un peu une succession de hasards. Mes parents ont quitté Paris pour le Sud dans le cadre d’un projet professionnel et j’ai rejoint la chorale du collège qui était dirigée par un grand monsieur, Vincent Recolin, lui-même contre-ténor. J’y étais soprano. On apprenait à l’oreille, dans l’enthousiasme. J’ai été fasciné par la voix d’Andreas Scholl dans la Speranza de l’Orfeo de Monteverdi, c’est probablement ce qui a été déterminant pour mes envies dans la suite.
Ma mue a été rapide et mon falsetto est resté dans le registre alto. Après le bac, j’ai été pris au CMBV et ça a été un peu un choc. Le chant n’était plus une activité périscolaire et il a fallu que je progresse vite en solfège. Mais c’est une excellente école de chant baroque. À ce moment-là, je me produisais surtout en chœurs et en musique de chambre vocale.
A l’issue du CMBV, j’ai rejoint la classe de Stéphane Fuget au CRR [NDLR : Conservatoire à rayonnement régional de Paris], qui m’a donné l’occasion de mes premiers rôles, notamment Bertarido dans le Rodelinda de Haendel. Cette expérience m’a permis de me rendre compte que ma voix était très à l’aise dans les rôles écrits par Haendel pour Senesino.
BaroquiadeS : Et ensuite, vous avez fait le CNSM …
Paul Figuier : Oui, juste après.Et j’en suis sorti au moment du Covid, ce qui n’a pas été simple. Ma carrière est encore jeune, ça fait à peine quatre ans que je suis sorti du CNSM. Et j’ai fait beaucoup de musique d’ensemble avant d’affronter le chant solo qui est venu petit à petit. Mes vrais débuts à la scène c’est dans l’Erismena de Cavalli, sous la direction de Leonardo García Alarcón et dans une mise en scène de Jean Bellorini.
Parmi mes expériences les plus marquantes, je dois aussi citer le San Giovanni Baptista de Stradella avec Damien Guillon et, sous la direction de Philippe Jaroussky, le rôle de Nireno dans le Giulio Cesare mis en scène par Damiano Michieletto, et celui d’Achille dans l’Orfeo de Sartorio mis en scène par Benjamin Lazar. Sans oublier Ted Huffman qui est un metteur en scène de grand talent et duquel j’ai beaucoup appris, quand j’ai eu l’occasion de travailler avec lui dans le Couronnement de Poppée.
BaroquiadeS : Et enfin le rôle-titre de Rinaldo…
Paul Figuier : Oui en 2022 à Avignon dans la production de Claire Dancoisne et sous la direction de Bertrand Cuiller, celle que nous donnons ici au Festival de Saint-Céré.
BaroquiadeS : C’est un rôle emblématique mais de ce fait assez redoutable pour un jeune chanteur, non ?
Paul Figuier : En effet. Surtout après Paul-Antoine Bénos-Djian pour lequel j’ai beaucoup d’admiration. La mise en scène de Claire Dancoisne est très efficace, très intéressante. Et c’est passionnant pour un chanteur comme moi qui aime “faire l’acteur”. La reprise et la réadaptation pour le plein air a demandé un très gros travail à toute l’équipe et c’était assez exigeant je dois dire.
La rencontre avec le travail d’un metteur en scène est toujours à la fois un défi, une remise en question et une rencontre. Mais ce rôle de Rinaldo est musicalement très beau et j’aime faire les choses à fond. J’aime l’énergie que demande ce métier pour incarner les personnages qu’on nous confie, alors les mises en scène exigeantes, comme celle de ce Rinaldo, sont des expériences enthousiasmantes.
BaroquiadeS : Quels sont vos projets ?
Paul Figuier : Ils sont assez nombreux. À court terme, la reprise de l’Orfeo de Landi avec Les Epopées de Stéphane Fuget et un très beau cast, la participation à La Calisto du théâtre des Champs Elysées, le rôle de Narciso dans Agrippina dans une mise en scène de Carsen. Et aussi la sortie d’enregistrements : le Stabat Mater de Scarlatti avec Les Accents et un autre CD avec le superbe clavecin de Ronan Khalil…
BaroquiadeS : Et vos rêves ? Comment voyez-vous la suite ?
Paul Figuier : Continuer ce métier bien sûr ! Je suis très heureux d’être chanteur, je me sens privilégié de faire ce métier et de côtoyer tellement souvent des gens exceptionnels.
Ce que j’aime par-dessus tout c’est incarner des personnages : alors la rencontre avec les grands metteurs en scène et les grands chefs est toujours un moment particulier et fascinant. Ma voix est très adaptée aux rôles haendéliens écrits pour Senesino mais j’adore aussi l’opéra du 17ème siècle car il faut y construire les personnages dont les lignes sont moins écrites.
Et puis, reste l’opéra contemporain, que j’aime beaucoup. Il est indispensable de s’inscrire dans la création car elle raconte l’humain et ses sentiments différemment de la musique ancienne, et c’est une grande richesse.

