Sur les pas de Jean Le Flelle - Mauillon

Sur les pas de Jean Le Flelle - Mauillon © Bibliothèque nationale de France – Graphisme : Fred Moret
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Deux cœurs exilés entre France et Angleterre

En 1625, la jeune fille de Henri IV, Henriette-Marie, est mariée à Charles Ier, devenu quelques mois seulement auparavant officiellement roi d’Angleterre. Aimant tous deux les arts, le roi laisse libre cour aux désirs de sa reine pour organiser les spectacles de la cour. Bousculant un peu les traditions britanniques, Henriette-Marie aime chanter et danser, s’entourant ainsi de musiciens. L’un d’eux est le harpiste Jean Le Flelle, qui entre officiellement au service du roi en 1629. Fuyant la guerre civile qui finira par l’exécution de Charles Ier, la reine arrive en France en 1644, suivie de ses musiciens. Cet exil, c’est plutôt un retour vers la terre natale, celle d’Henriette-Marie mais également celle de Jean Le Flelle. L’exil, l’éloignement de ceux qui nous sont chers, c’était justement cette période faste en Angleterre. C’est cette période aux sentiments contraires, dont on fuit les troubles économiques et politiques grâce aux danses et à la musique, personnifiée en la personne énigmatique de Jean Le Flelle, qui piqua la curiosité de la harpiste Angélique Mauillon. Cette histoire entre France et Angleterre lui inspira ce programme Sur les pas de Jean Le Flelle, invitant ainsi à revivre aujourd’hui la musique du XVIIe qui fit tant de bien aux cœurs exilés d’un musicien et d’une jeune reine. Si ces sentiments sont sans doute imaginaires, c’est ce à quoi nous invite également la courte et poétique fiction du livret de cet enregistrement chez les Editions Seulétoile, écrite par Léonor de Récondo.

Sous la direction artistique rigoureuse et sensible du claveciniste Pierre Gallon et les conseils avisés de Thomas Leconte, musicologue et chercheur au Centre de Musique Baroque de Versailles, Angélique Mauillon choisit avec une grande attention les œuvres qui composent son programme, redécouvrant et surtout invitant à découvrir des suites de danses françaises et anglaises de compositeurs méconnus de ce premier XVIIe siècle, époque encore charnière entre la Renaissance révolue et l’apogée du Baroque, et ce surtout sur l’île un peu isolée qu’est la Grande-Bretagne. Leur travail musicologique est très sérieux, richement sourcé à partir de manuscrits trouvés de la New York Public Library à la Bibliothèque nationale de France, en passant par des bibliothèques d’Oxford, de Londres, d’Aix-en-Provence ou de Berlin.

Pour cet enregistrement, Angélique Mauillon a choisi une harpe baroque triple de Simon Capp de 2014. Le timbre particulier de ses cordes en boyau, à la sonorité légèrement métallique, peut surprendre au premier abord, rapprochant la sonorité de cette harpe baroque de celle d’un luth. C’est justement un instrument pour lequel le répertoire de cette période peut se confondre avec celui de la harpe, particulièrement en France. En Angleterre, c’est le virginal qui emporte davantage l’adhésion des mélomanes. Jean Le Flelle n’aura sans doute pas hésité à puiser des œuvres initialement écrites pour ces instruments pour divertir sa maîtresse. L’auditeur se retrouve ainsi plongé dans une atmosphère poétique et très apaisante, bercé par l’interprétation pleine de finesse de la harpiste. Ses respirations, que la prise de son de Camille Frachet permet d’entendre en second plan, manifestent la conduite et la sensibilité délicate des phrasés de la musicienne. Ses intentions de dynamiques sont patentes, bien que leur subtilité et l’homogénéité du timbre de son instruments ne permettent pas à l’oreille d’en apprécier véritablement d’éventuels contrastes qui éveillerait davantage sa curiosité et son intérêt.



Publié le 22 oct. 2022 par Emmanuel Deroeux