Sonates pour clavecin & violon - Bach

Sonates pour clavecin & violon - Bach ©
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Une interprétation colorée

Ces Six sonates pour clavecin et violon de Jean-Sébastien Bach (1685 – 1750) me parviennent en pleine diète forcée de concerts pour cause de crise sanitaire, comme pour me rappeler un souvenir que nous voulons tous vite retrouver dans les salles... Dans ces sonates Bach invente sans cesse de nouveaux dessins pour que s’entremêlent les arabesques du violon et du clavecin.

Les deux interprètes se livrent depuis de longues années à la pratique de la musique baroque, d’abord durant leurs études au Conservatoire de Paris puis dans leur carrière professionnelle où elles ont acquis une indéniable complicité. Ce duo féminin réunit Stéphanie-Marie Degand au violon (sur un violon baroque de Joseph Catenari, 1710, avec archets de Pierre Tourte) et Violaine Cochard au clavecin (sur un clavecin construit par Ryo Yoshida, d’après un clavecin allemand de Gottfried Silbermann (1683-1753)). Dans le sillage des tendances actuelles, leur travail privilégie la sonorité, la musicalité, la couleur et le timbre.

La Sonate n°1 en si mineur est organisée de la sorte pour que le violon mélodique soit aux avant-postes tandis que le clavecin accompagne en arrière-plan. La position en retrait de la partie de clavier permet par le contre-chant un lyrisme retenu et contrôlé. Violaine Cochard révèle un beau visage de ce moment : le chant des doigts de la claveciniste rappelle sa passion pour le chant.

La seconde sonate, en la Majeur, est structurée en contrepoint, c’est à dire que chacune des voix mélodiques ont la même puissance. L’interprète alors peu choisir de privilégier tel ou tel voix (parfois cinq voix peuvent coexister). Ici la sonorité du violon est remarquable dans le second et le quatrième mouvement, c’est l’œuvre d’un magnifique travail de musique de chambre.

La sonate n° 3 en mi Majeur révèle toute la justesse violonistique de Stéphanie-Marie Degand. Sur le plan des hauteurs les mouvements 1 et 4 sont remarquables. Le second mouvement nous permet lui d’entendre deux voix qui se courent après, l’une au violon l’autre au clavecin, dans un canon très réussi.

La sonate n° 4 en do mineur est en rupture avec le reste du disque. La dramaturgie évolue, la sonorité n’est plus la raison principale du jeu. L’harmonie (le sens vertical) est beaucoup plus travaillé, par conséquent le rythme peu naître. Cette différence est fondamentale car la position des interprètes progresse de la fonction, restitution d’une mémoire perdue, vers la fonction de praticien engagé. L’œuvre est alors utilisée pour donner naissance à un regard - et c’est ce qui se ressent fortement dans le troisième mouvement.

L’entrée du violon dans le premier mouvement de la cinquième sonate est sensible. Le travail harmonique du troisième mouvement permet à la claveciniste de créer une couleur, source d’un équilibre très bien trouvé.

La sonate n° 6 en sol Majeur trouve dans son second mouvement un équilibre qui faisait un peu défaut auparavant, probablement en raison d’un excès de réverbération.

La prise de son d’Alban Sautour est claire et séductrice mais nous semble tournée vers une recherche de l’acoustique, à mon sens au détriment d’un dynamisme général. Ce parti est peut-être lié à la recherche de couleurs des interprètes. J’entends par couleurs une certaine idée du timbre, de l’acoustique du lieu, du plaisir des sons, bien palpables dans l’enregistrement. Cette recherche des couleurs me semble toutefois renvoyer davantage à une approche impressionniste et contemplative, en décalage avec la sensibilité baroque.

Malgré cette réserve, retenons encore une fois la qualité générale de cet enregistrement, à l’interprétation particulièrement soignée.



Publié le 06 juin 2020 par Thomas Malarbet