Catharsis - X. Sabata
© Michal Novak Photography Afficher les détails Masquer les détails Coffret avec livret bilingue (français-anglais) et notice de Holger Schmitt-Hallenberg, un CD , durée totale : 66 minutes. Aparté. 2016
Compositeurs
- Gian Maria Orlandini (1676-1760)
- Francesco Bartolomeo Conti (1681-1732)
- Piero Torri (1650-1737)
- Antonio Vivaldi (1678-1741)
- Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
- Johann Adolph Hasse (1699-1783)
- Attilio Ariosti (1666-1729)
- Antonio Caldara (1670-1736)
- Domenico Natale Sarro (1679-1744)
Chanteurs/Interprètes
- Xavier Sabata, contre ténor
- Orchestre: Armonia Atenea
- Direction: George Petrou
Pistes
- 1.Giuseppe Maria Orlandini, Adelaide (Venise 1729) : Ciò che donò la frode (recit.)
- 2.Alza al ciel pianta orgogliosa (aria)
- 3.Francesco Bartolomeo Conti, Griselda (Vienne 1725) : In te, sposa Griselda, mi uccido (recit.)
- 4.Cara sposa (aria)
- 5.Pietro Torri, Griselda (Munich 1723) : Vorresti col tuo pianto (aria)
- 6.Antonio Vivaldi, Farnace (Venise 1727) : Gelido in ogni vena (aria)
- 7.Giuseppe Maria Orlandini, Adelaide (Venise 1729) : O del mio caro ben (recit.)
- 8.Già mi sembra al carro avvinto (aria)
- 9.Georg Friedrich Handel, Admeto (Londres 1727) : Introduzzione, lentemento
- 10.Orride larve, accompagnato
- 11.Chiudetevi miei lumi, arioso
- 12.Johann Adolph Hasse, La conversion di Sant’Agostino (1760) : Viver vogl’io sempre per te mio dio, accompagnato
- 13.Or mi pento (aria)
- 14.Attilio Ariosti, Caio Mazio Coriolano (Londres 1723) : Spirate, o oniqui marmi, accompagnato
- 15.Voi, d’un figlio tanto misero (aria)
- 16.Antonio Caldara, Temistocle (Vienne 1736) : Ah, frenate il pianto imbelle
- 17.Domenico Sarro, Il Valdemaro (Rome 1726) : Sorte nemica, recit. accompagnato
- 18.Quando onor favella al core (aria)
Gelido in ogni venaBien sûr, il faut rapidement passer sur la couverture du CD qui semble viser davantage les amateurs de péplums que les amoureux du baroque... Bien sûr, on s'interroge sur le choix du titre de l'enregistrement, et l'allusion thérapeutique qu'il contient : la catharsis est le processus de délivrance du spectateur de ses passions par la représentation dramatique et exacerbée de celles-ci au théâtre. On peut naturellement appliquer ce phénomène à l'Opéra mais l'auditeur va être inévitablement exigeant et critique puisqu'il lui faudra retrouver un moment de Catharsis dans chacun des airs.
A l'évidence, les airs sélectionnés répondent à cette ambition affichée dès le titre. C'est à un répertoire des passions humaines que nous sommes convoqués. À côté des grands maîtres (Haendel, Vivaldi, Hasse, Caldara) Xavier Sabata nous propose quelques pépites inconnues comme l'Adelaïde d'Orlandini (deux airs) ou les versions de Griselda de Conti et Torri.
Le timbre superbe de contralto de Xavier Sabata saisit l'auditeur dès le premier air et ne le lâche plus jusqu'à la fin de l'écoute. Ce qui est particulièrement frappant chez Sabata, c'est cette beauté du timbre, ce pur velouté, cette aisance souveraine dans le medium et le grave, cette maîtrise du legato. A cela s'ajoute l'expressivité totale de la voix, une sensibilité que l'on sent à fleur de peau et un engagement indéniable dans l'interprétation.
D'une manière générale Armonia Atenea, sous la baguette de George Petrou, livre aussi une prestation exceptionnelle. L'orchestre est nerveux, perpétuellement sous tension et particulièrement coloré. George Petrou assume une âpreté sensible qui révèle ce répertoire. On a rarement entendu des interprétations aussi engagées, aussi novatrices ; c'est d'autant plus remarquable que le programme comporte quelques « scies » et que c'est précisément sur ces morceaux que le travail accompli restitue une émotion rare.
Si l'on apprécie les qualités de Sabata dans les airs de grande virtuosité de l'Adelaide d'Orlandini, c'est néanmoins dans des airs plus intérieurs, plus « doloristes » que je l'ai trouvé le plus émouvant, voire troublant. Au premier chef dans le passionnant récit que nous donne à entendre La conversione di Sant'Agostino de Hasse, tout empli de repentir et d'amour divin. L'extrait d'Admeto de Haendel (Orride larve... Chiudetevi miei lumi) est également saisissant. Sabata y est sublime. Le récitatif est impeccable, servi par une diction remarquable et travaillée. L'arioso est halluciné, hypnotique. Rarement la complicité et l'égalité de vues entre un orchestre et un soliste a été portée à un tel niveau.
Mais c'est bien pour Gelido in ogni vena d'Il Farnace de Vivaldi que cet enregistrement restera (et probablement pour longtemps) un incontournable. Xavier Sabata y est à pleurer, avec des graves naturels amenés sans artifices et avec des transitions de registre quasi imperceptibles. L'orchestre participe totalement de ce travail avec une interprétation mémorable, terrifiante de douleur et de mortelle froideur.
Au delà de la beauté d'une voix et de la solidité d'une technique amplement démontrées, ce qui fait l'intérêt de cet enregistrement c'est la capacité de Sabata à faire passer les émotions dans chaque note. On connaît sa grande présence scénique et ses qualités d'acteur résultant d'un apprentissage au théâtre, mais même privée de cet atout visuel, la voix reste d'une exceptionnelle expressivité. Quand elle est conduite et soutenue par le remarquable travail de Petrou, on tient là des moments d'une très grande intensité.
Publié le 22 mars 2017 par Jean-Luc Izard