Musical Storytelling - Waldner
© Afficher les détails Masquer les détails Coffret avec notices en anglais, un CD, durée totale : 75 minutes, 11 secondes. Tastenfreuden - 2022
Compositeurs
- Musical Storytelling, Dutch & Flemish keyboard works around 1600, French harpsichord works from the 17th century (Récit musical. Oeuvres pour clavier des Pays-Bas et des Flandres, oeuvres françaises pour clavecin du XVIIème siècle)
- Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621)
- Peter Philips (c. 1560-1628)
- John Bull (c. 1562-1628)
- Peeter Cornet (c. 1575-1633)
- Nicolas Antoine Lebègue (1631-1702)
- Jacques Champion de Chambonnières (c. 1601-1672)
- Louis Couperin (c. 1626-1661)
- Jean-Henry d’Anglebert (1629-1691)
Chanteurs/Interprètes
- Peter Waldner (clavecin Couchet du Musée des Instruments de Musique de Bruxelles)
Pistes
- 1.Jan Pieterszoon Sweelinck : Balleth del granduca SwWV 319
- 2.Peter Philips : Pavana
- 3.John Bull : Les Buffons
- 4.Jan Pieterszoon Sweelinck : Onder een linde groen SwWV 325
- 5.Nicolas Antoine Lebègue : Chaconne en fa majeur
- 6.Jacques Champion de Chambonnières : Suite en do majeur
- 7.Chaconne en sol majeur
- 8.Jean-Henry d’Anglebert : Tombeau de Monsieur de Chambonnières
- 9.Nicolas Antoine Lebègue : Chaconne grave en re majeur
- 10.Louis Couperin : Prélude à l'imitation de Mr. Froberger
- 11.Nicolas Antoine Lebègue : Petitte Chaconne en sol majeur
- 12.Jan Pieterszoon Sweelinck : Poolse Almande SwWV 330
- 13.John Bull : Country Dance
- 14.Peeter Cornet : Aria del Granduca
- 15.Jan Pieterszoon Sweelinck : Mein junges Leben hat ein Endt SwWV 354
Un siècle de répertoire ancien pour clavier, à l’épreuve de la narration musicaleCe florilège pour clavier s’étend sur un siècle (fin XVIe-fin XVIIe) et couvre deux sphères esthétiques, Pays-Bas et France. Prétexté par un concept de narration musicale (vaste sujet) qu’on aurait souhaité plus discriminé et mieux explicité, le choix des pièces correspond en tout cas à des prédilections de Peter Waldner, et se trouve mis en perspective dans le livret signé de l’interprète. Intelligemment structuré, le programme s’équilibre en divers niveaux de symétrie.
En guise d’arc-boutant à cet écheveau : deux séquences consacrées au répertoire flamand, chacune introduite et conclue par une série de Variations de Jan Pieterszoon Sweelinck qui représentent plus d’un tiers de la durée du disque. La célèbre Balleth del granduca, qu’on associe à un intermède chorégraphique d’Emilio de Cavalieri, la virtuose Poolse Almande dont la mélodie provient d’une danse polonaise, l’élégante Onder een linde groen dérivée d’une chanson anglaise (Within a Garden green), et la touchante Mein junges Leben hat ein Endt, adieu d’un jeune homme à la vie. Ces quatre séries de variations sont séparées par quatre danses, empruntées à deux représentants de l’école des virginalistes, anglais de naissance mais émigrés outre-Manche pour y trouver un contexte religieux plus tolérant. Après avoir quitté son pays natal en 1582 et traversé l’Europe jusqu’à Rome, Peter Philips se fixa à Anvers en 1590, avant de s’établir à Bruxelles comme organiste. Il y côtoya Peeter Cornet qui quant à lui assura l’essentiel de sa carrière dans cette ville. John Bull connut une errance réciproque : il se réfugia d’abord à Bruxelles puis, face à une demande d’extradition qui le fit congédier par l’Archiduc Albrecht VII, il gagna Anvers où il résida jusqu’à sa mort en 1628 – la même année que Philips. Parmi les nombreuses pièces de genre qu’il écrivit (dont la fameuse King’s Hunt, non reprise ici mais qui aurait parfaitement répondu à la scène de chasse en couverture du CD), Peter Waldner a choisi Les Buffons et une rustique Country Dance, très animées.
Le cœur de l’album dévoile un pan de ce l’historiographie nomma le Grand Siècle, et illustre quelques pages sous les règnes de Louis XIII et du Roi-Soleil. Hormis le Tombeau de Monsieur de Chambonnières et dans une moindre mesure le Prélude à l'imitation de Mr. Froberger, ces exemples de musique pure se rattacheraient-ils au projet d’imagerie narrative qu’ambitionne ce CD ? Même dans l’ostinato des trois chaconnes de Nicolas Lebègue, Peter Waldner entrevoit pourtant autant d’univers évocateurs, légers, puissants ou intimes, traduisant divers avatars de « l'incarnation de la joie de vivre, l'affirmation de la vie et l'expression sensuelle d'un profond attachement religieux à la source divine de tout être qui soutient et remplit notre fragile vie humaine ». De même que pour le cénacle flamand de part et d’autre abordé, le parcours tisse des liens entre les compositeurs : hommage de D’Anglebert à Jacques Champion de Chambonnières, qui prit sous son aile le jeune Louis Couperin ; la probable rencontre de celui-ci à Paris en 1651-1652 avec Froberger.
Voilà donc une ingénieuse mise en réseau des grands clavecinistes de l’époque, mais aussi de la facture contemporaine : Chambonnières possédait deux instruments sortis des ateliers anversois de Ioannes Couchet, petit-fils d’Hans Ruckers. Pour son récital, qui a tourné en concert, Peter Waldner a choisi l’unique clavecin à deux claviers (8’8’4’) de Couchet qui soit encore jouable : celui du Musée des Instruments de Musique de Bruxelles, daté de 1646 et postérieurement ravalé, méthodiquement préparé par les soins de Christophe Bursens. Somptueusement capté dans la salle des concerts du MIM, le clavecin brille de toute sa riche palette. Hormis peut-être une inspiration qu’on pourra estimer trop égale dans le Tombeau et le Prélude non mesuré, la prestation est à l’honneur de l’expertise du Pr. Waldner, spécialiste de l’orgue ancien, notamment dans les contrées de son Tyrol natal, qui ajoute ici un admirable jalon à sa discographie sans défaut.
Publié le 22 févr. 2023 par Christophe Steyne