[EX]TRADITION - The Curious Bards

[EX]TRADITION - The Curious Bards ©Antoine Schneck
Afficher les détails
[Ex]tradition : quand musiques traditionnelle et savante se mêlent

Le jeune ensemble The Curious Bards profite de l’opportunité que leur offre Harmonia Mundi pour présenter leur travail rigoureux autour du répertoire des musiques d'Irlande et d’Ecosse au XVIIIe siècle.

C’est par amour commun pour les musiques traditionnelles que cinq musiciens, issus de la musique ancienne, forment en 2015 b>The Curious Bards. Forts de leurs exigeantes formations aux conservatoires de Lyon, Paris et Bâle, leur ensemble veut remettre en lumière un champ musical aujourd’hui méconnu par leur double pratique traditionnelle et savante. La collection harmonia#nova, du label Harmonia Mundi musique, offre à ce jeune ensemble l’opportunité de graver des œuvres de deux répertoires qu’il apprécie particulièrement : la musique irlandaise et écossaise du XVIIIe siècle. C’est après des recherches musicologiques, menées pendant plusieurs mois et avec beaucoup de sérieux par Alix Boivert, violoniste et fondateur de l’ensemble, à Dublin et en France, que The Curious Bards expérimente l’interprétation de ces musiques, dans un élan proche de celle des musiques traditionnelles. La recherche interprétative commence évidemment par la facture instrumentale, d’où la création d’instruments uniques inspirés de modèles d’époques ou, mieux, le jeu sur un instrument d’époque, comme le violon créé par Jean-Nicolas Lambert en 1760.

L’exercice de l’enregistrement en studio est bien différent de celui d’une prestation publique en concert. Comme l’explique dans le livret Alan Moreau, preneur de son et directeur artistique du projet, l’enregistrement est aussi le fruit de beaucoup de réflexions. La disposition des musiciens et la balance sonore ont été précisément travaillées ; des prises de détails corrigent les éventuelles imperfections, tolérables en concert mais augmentées par la sensibilité des microphones.

L’attention toute particulière portée autour de cet album se ressent déjà par la conception du programme, dont certaines pistes présentent des ensembles d’airs, irlandais ou écossais, et qui s’enchaînent très bien les unes aux autres. C’est ainsi que les cinq musiciens veulent certainement entraîner leurs auditeurs dans de sympathiques aperçus de moments dansés, aux rythmes binaires – les reels – ou ternaires – les jigs. Les musiciens profitent de ces élans pour montrer, toujours avec une certaine simplicité, leur virtuosité et la maîtrise de leur instrument.

Les extraits sont trop courts pour vraiment inviter à la danse, mais The Curious Bards propose tout de même des interludes plus calmes, telle la mélodie irlandaise Rakes of Westmeath (piste 3), agréablement variée par la flûte de Bruno Harlé ou les beaux airs (piste 11) très joliment interprétés par le violon d’Alix Boivert, au son agréablement mordant. Ces moments sont aussi l’occasion d’entendre la voix subtilement colorée de la mezzo-soprano Ilektra Platiopoulou, invitée à rejoindre pour quelques airs le quintette. Lady Anne Bothwell’s lament (piste 14) est sans doute la plus jolie interprétation de l’enregistrement, qu’elle clôt avec douceur.

Tout le long de l’écoute, on ne peut être que sensible au travail rigoureux et précis des musiciens. On ressent leur écoute attentive du violon et de la flûte pour être toujours exactement ensemble ; les équilibres et le rendu de chaque timbre sont précisément étudiés. La lecture du livret laisse vite comprendre que cet enregistrement est le fruit d’un travail musicologique et musical, sérieux, voire scientifique. Cette approche se confirme par l’écoute qui fait entendre une parfaite maîtrise des moindres paramètres. Bien que l’on ne puisse qu’apprécier l’exigence d’un tel travail, on peut regretter qu’il semble avoir fait perdre une spontanéité et un plaisir. Si The Curious Bards ressent un tel amour pour ces répertoires, on aurait sans doute voulu qu’ils le transmettent davantage à leurs auditeurs.



Publié le 02 janv. 2018 par Emmanuel Derœux