Ballade pour violoncelle piccolo - Hanana
© Thomas Neukirch : Figuier sycomore, dessin à l’encre de chine Afficher les détails Masquer les détails Coffret avec notices de Hager Hanana et Alain Gervreau en français, un CD, durée totale : 53 minutes. Seulétoile - 2022
Compositeurs
- Sylvius Leopold Weiss (1687 - 1750)
- Carl Friedrich Abel (1723 – 1787)
- Johann Sebastian Bach (1685 - 1750)
- Heirinch Ignaz Franz von Biber (1644 - 1704)
Chanteurs/Interprètes
- Hager Hanana (violoncelle piccolo anonyme français du XVIIIe siècle et archet à hausse coincée de Claire Berget)
Pistes
- 1.Sylvius Leopold Weiss : Prélude pour luth en ré mineur
- 2.Carl Friedrich Abel : Adagio pour viole de gambe en ré mineur
- 3.Vivace ou Moderato pour viole de gambe en ré mineur
- 4.Sylvius Leopold Weiss : « L’amant malheureux », Allemande pour luth en la mineur
- 5.Johann Sebastian Bach : Suite n°6 pour violoncelle en ré majeur, BWV 1012 - Prélude
- 6.Allemande
- 7.Courante
- 8.Sarabande
- 9.Gavottes I & II
- 10.Gigue
- 11.Heirinch Ignaz Franz von Biber : Sonates du Rosaire - « L’ange gardien », Passagaglia pour violon en sol mineur
Tendre chemin, intime et spirituel, de la force créative baroqueLe violoncelle piccolo est un instrument qui peut être source de fascination, sa cinquième corde aiguë offrant un potentiel expressif particulièrement attrayant. Si l’on ne peut être en être complètement certain, il est fort probable que Jean-Sébastien Bach l’ait utilisé pour certaines de ces cantates comme pour sa 6ème Suite pour violoncelle en sol mineur BWV 1012. Emerveillée par cette force créatrice qui animait les compositeurs baroques et la puissance expressive de cet instrument qui l’émerveille, la violoncelliste Hager Hanana propose, pour son tout premier enregistrement en solo chez Seulétoile, un programme autour de cette œuvre sur violoncelle piccolo. A partir de cette rencontre multiple, les possibilités offertes par cette cinquième corde invitent à redécouvrir des œuvres originellement composées pour luth, pour viole de gambe ou pour violon.
Sylvius Leopold Weiss est l’un des plus grands luthistes de son temps, rivalisant même de son instrument avec Jean-Sébastien Bach. Les sonorités douces et riches du luth, notamment grâce à ses chanterelles (deux cordes aiguës), ont inspiré Hager Hanana qui propose une adaptation de son Prélude en ré mineur et de son Amant malheureux, à partir de retranscription de Jean-Daniel Forget. La première, introduisant l’enregistrement, est une courte et agréable plongée dans la couleur de cet instrument baroque et est une efficiente façon d’entamer ce chemin en compagnie de la musicienne en quête de lumière. Cette ballade, si elle se veut consciente des questions musicologiques, culturelles et historiques de ces œuvres, se veut avant tout une expérience personnelle voire spirituelle. Au-delà de la véritable et passionnante science que se révèle être la musique du Baroque, c’est surtout le geste créateur de cette musique que veut partager la violoncelliste.
Après cette invitation et préparation, on ressent parfaitement le geste que l’on peut tant apprécier dans le jeu de la viole de gambe, instrument pour lequel Carl Friedrich Abel compose un Adagio en ré mineur et un Vivace (ou Moderato). Le violoncelle piccolo apporte ici une couleur un peu plus présente, ronde et pleine, surtout dans les graves, apportant ainsi une assise agréablement souple et moelleuse. Les aigus restent éloquents grâce à un archet libre et assuré. La prise de son de Ken Yoshida, extrêmement sensible, permet d’entendre de discrètes respirations qui, sans gêner l’écoute, participent à apprécier la conduite des phrasés de Hager Hanana. On apprécie particulièrement les fines propositions de couleur, notamment lors des intéressants passages arpégés, ou encore les sensibles doubles cordes de la seconde pièce, dont le choix du tempo plutôt moderato semble ainsi parfaitement justifié et pertinent.
La Suite n°6 BWV 1012, sans doute composée expressément pour violoncelle piccolo, révèle superbement cette étonnante corde aiguë, lumineuse et expressive. L’instrument de Hager Hanana, œuvre d’un luthier anonyme du XVIIIe siècle, se montre être un compagnon facile et particulièrement agréable, clair tout en gardant en rondeur. Il manifeste surtout la qualité fondamentale d’être très équilibré entre toutes ses cordes, aucune ne surpassant une autre malgré des couleurs qui leur sont bien propres. Ici encore, la prise de son permet d’entendre même les doigts frapper la touche, trahissant l’agilité de la musicienne malgré l’apparence facile de son jeu et donnant alors l’impression à l’auditeur qu’elle joue juste devant lui, dans son propre salon.
La Passagaglia qui clôt le sublime cycle des Sonates du Rosaire de Heinrich Biber est interprétée avec une âme qui lui sied sans doute très bien. Cette œuvre particulièrement difficile revêt ici une couleur un peu nouvelle qui ne manque pas d’intérêt, bien que l’on puisse lui préférer encore la version originale pour violon, plus brillante encore, voire davantage contrastée. Les variations de tempi entre les courtes variations et même au sein même de celles-ci manifestent une interprétation libre, personnelle et authentique, qualités légitimes et appréciables quoique l’on aurait pu souhaiter une régularité plus exacte pour révéler une partie de la structure et du symbolisme de cette œuvre magistrale.
Désirant relever le défi de l’équilibre entre science, histoire, maîtrise instrumentale et force créatif, la violoncelliste Hager Hanana se révèle être une musicienne particulièrement sensible et inventive, partageant surtout son amour patent pour des œuvres puissantes et pour le violoncelle piccolo, instrument d’une expressivité profonde et touchante.
Publié le 08 avr. 2023 par Emmanuel Deroeux