Propos recueillis à Innsbruck par Bruno Maury - Août 2020
Rencontre avec Valerio Contaldo
BaroquiadeS : Bonjour Valerio. Nous vous avons fréquemment entendu dans des opéras ou des concerts baroques au cours des derniers mois (voir notre récente chronique) : comment vous est venu le goût du chant ?
Valerio Contaldo : Je suis venu à la musique assez tard, à l’âge de treize – quatorze ans. Mes parents étaient des immigrés italiens en Suisse, et mon père jouait parfois des airs de chansons italiennes sur sa guitare, ce qui m’a fait découvrir cet instrument. Au lycée je devais chanter dans le chœur : c’est ainsi que j’ai découvert le chant. Le chef de chœur, Bernard Héritier, était notre professeur de musique. Il était passionné de Monteverdi, et organisait une dizaine de concerts par an avec sa formation amateur, le chœur Novantiqua de Sion - que j’ai d’ailleurs rejoint un plus tard. Dans le cadre des cours de musique nous suivions de près les répétitions des Vêpres de Monteverdi, accompagnées par l’ensemble La Fenice de Jean Tubéry. C‘était la première fois que j’entendais le son des cornets à bouquin, et la musique de Monteverdi en direct.
BaroquiadeS : Vous avez débuté votre apprentissage musical dans un contexte vraiment privilégié !
Valerio Contaldo : Oui, même si je ne l’ai réalisé qu’après coup. Je me rappelle d’un voyage exceptionnel avec ce chef et professeur de musique, sur les pas de Monteverdi, qui nous a emmenés à Crémone, Mantoue, Venise...
BaroquiadeS : Et la période du conservatoire ?
Valerio Contaldo : J’ai suivi les cours du Conservatoire de Sion, dans le Valais. C’est là que j’ai appris à lire les partitions. J’avais un professeur portugais d’origine, Alexandre Rodrigues, très exigeant ! Il accordait une grande importance à l’interprétation du texte musical. Une autre étape importante de ma carrière musicale a été ma rencontre avec Michel Corboz, vers mes vingt-trois ans : il m’a permis mes premières interventions en solo, dans le Requiem de Mozart. En parallèle je poursuivais mes études de chant à la Haute Ecole de Musique de Lausanne.
BaroquiadeS : Et comment êtes-vous venu au baroque ?
Valerio Contaldo : Je n’ai pas suivi de formation spécifiquement baroque. J’ai toujours été intéressé par la musique dite “ancienne”. En fait le grand changement pour la voix de ténor est intervenu fin XVIIIème – début XIXème, quand le ténor a été propulsé au premier plan des opéras.
BaroquiadeS : Vous chantez donc également le répertorie des XIXème et XXème siècles ?
Valerio Contaldo : Toujours, même si c’est plus occasionnel, et surtout dans le domaine de l’oratorio, du lied ou de la mélodie. Je chante aussi un peu d’opérette… Mais c’est vrai que le baroque a toujours été présent dans ma carrière, et maintenant je commence à être un peu « catalogué » (sourires…). Pour moi c’est également important de cultiver plusieurs répertoires : l’un nourrit l’autre. Et même quand on interprète du baroque nous sommes des êtres du XXIème siècle...
BaroquiadeS : Dans le baroque on vous a régulièrement entendu chanter avec Capella Mediterranea ces dernières années...
Valerio Contaldo : C’est une longue histoire entre nous ! J’ai croisé Leonardo Garcia Alarcón quand il étudiait le clavecin. J’avais suivi un séminaire théorique durant une année au Conservatoire de Genève avec Christiane Jaccottet, sa professeure de clavecin. Je l’ai surtout côtoyé quand il a été assistant de Gabriel Garrido. Et c’est à la même époque que j’ai fait la connaissance de Mariana Flores. Mais je chante également avec d’autres chefs...
BaroquiadeS : Et vous avez maintenant un large éventail d’œuvres baroques à votre répertoire ! Parlez-nous un peu de celles que vous préférez.
Valerio Contaldo : Mon premier opéra de Cavalli a été Gli Amori di Apollo e di Dafne (Les amours d’Apollon et Daphné), je l’ai enregistré avec Gabriel Garrido. J’ai chanté récemment l’Orfeo de Monteverdi à deux reprises, avec Leonardo pour un enregistrement à paraître (chez Alpha), et avec Ivan Fischer pour des représentations à Budapest, au Teatro Olimpico de Vicence et au Grand Théâtre de Genève. Avec Capella Mediterranea nous projetons également d’enregistrer La finta pazza de Strozzi, qui a connu un beau succès à Dijon et à Versailles la saison passée (lire le compte-rendu dans ces colonnes).
BaroquiadeS : Et vos prochains rôles scéniques ?
Valerio Contaldo : A Dijon et toujours avec Capella Mediterranea, je chanterai dans Le palais enchanté de Rossi, en fin d’année. Je chanterai également Ulysse, dans Le retour d’Ulysse de Monteverdi, à Beaune et à Versailles en 2021. Je viens aussi d’enregistrer le VIIIème Livre des Madrigaux de Monteverdi, avec Rinaldo Alessandrini.
BaroquiadeS : Vous êtes très à l’aise dans le répertoire italien, mais vous aimez aussi beaucoup Bach je crois ?
Valerio Contaldo : En effet. J’ai récemment enregistré la Passion selon Saint-Matthieu, sous la direction de Stephan MacLeod, après une série de concerts. Avec ce chef je participe à une série intégrale des cantates de Bach, débutée en 2005, dont certaines font l’objet d’enregistrements. Et au printemps je serai l’Evangéliste à Dijon, à nouveau avec Capella Mediterranea. J’ai également en projet avec Marc Minkowski des concerts consacrés aux cantates de Bach et à la Messe en Ut (en petit effectif). Nous avions eu l’occasion de travailler ensemble dans une récente production de Mârouf, savetier du Caire, à l’Opéra Comique.
BaroquiadeS : Un bel exemple en effet de cultiver en parallèle des répertoires assez différents ! Mais permettez-moi de vous poser une question plus personnelle. Vous avez une épouse et un jeune fils ; comment conciliez-vous votre carrière artistique et votre vie familiale ?
Valerio Contaldo : C’est vrai que ma carrière de chanteur m’emmène souvent loin de mon domicile… Et encore mes engagements sont presque tous situés en Europe ! Mon fils est habitué depuis sa naissance à mes fréquentes absences, et quand je suis de retour à la maison nous en profitons au maximum ! Il a commencé à apprendre le violon, je l’accompagne à la guitare...
BaroquiadeS : Un peu comme le faisait déjà votre père avec le même instrument, si j’ai bien retenu votre propos… Merci Valerio pour cet entretien, et nous ne manquerons pas de vous suivre dans vos prochains projets musicaux !