Stabat Mater - G. B. Pergolèse

Stabat Mater - G. B. Pergolèse ©J.J. Ader
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Un dépouillement très expressif

Dans le cadre du festival Passions baroques à Montauban, qui avait donné lieu deux semaines plus tôt à une Passion selon Saint-Jean de Bach très remarquée (et à laquelle nous n'avons malheureusement pas pu assister), Jean-Marc Andrieu avait choisi de conclure ses concerts par le Stabat Mater de Pergolèse, précédé du Salve Regina d'Alessandro Scarlatti. Ce dernier appelle à juste titre une instrumentation réduite, si l'on veut rester fidèle aux formats orchestraux de l'époque. Mais c'est avec une formation renforcée seulement d'un violon et d'une contrebasse que le chef proposa le Stabat Mater, traditionnellement appuyé sur des formations un peu plus étoffées. Les Passions voulaient-elles démontrer que la qualité prime sans conteste sur la quantité, et qu'une formation restreinte mais bien soudée est supérieure à un ensemble plus consistant mais peut-être moins homogène ? En tous cas le pari est brillamment atteint, grâce à l'implication sans faille des musiciens derrière la baguette inspirée et dynamique de Jean-Marc Andrieu, toujours très attentif à la cohésion avec la ligne des chanteurs. Mentionnons tout particulièrement la prestation très convaincante de Yasuko Uyama-Bouvard, dont l'orgue révèle une extraordinaire présence dans le Stabat Mater.

Evidemment cette orchestration ramassée appelait des solistes irréprochables. Le tandem formé par Magali Léger et Paulin Bündgen relève le défi avec brio. La soprano nous régale de sa voix cristalline : celle-ci semble parfaitement à l'aise dans des attaques bien nettes qui s'achèvent sur des aigus tranchants (dans le Ad te clamamus du Salve Regina, en particulier, ou dans le Cujus animam du Stabat Mater), aussi bien que dans les longs aigus filés du Vidit suum du Stabat Mater. Le contre-ténor affiche un timbre naturel, soyeux et bien posé, aux aigus impeccables (le Eia ergo du Salve Regina) et à la diction claire et précise. Son Fac ut portem (Stabat Mater) nous a profondément ému par ses longues attaques d'une stabilité sans faille et ses aigus déchirants. Tous deux affichent une belle expressivité, tant vocale que physique. Mais c'est le mariage réussi de leurs timbres qui illumine les duos, depuis le premier (Stabat Mater) jusqu'au confondant Quando corpus morietur final, en passant par l'étourdissant Fac ut ardeat. Ces ensembles scintillent de leurs échanges complices, aux recoupements nets et précis, parfaitement maîtrisés.

La magie de ce concert réside évidemment dans cet assemblage judicieux de voix d'une grande qualité, serties dans l'écrin délicat d'une orchestration bien présente mais dépouillée de tout effet sonore superflu. Le public ne s'y est pas trompé, qui a longuement ovationné les artistes, En bis ceux-ci ont repris le Quando corpus final, avec peut-être encore davantage de brio. Puis les lumières se sont éteintes dans le petit théâtre à l'italienne, au froid décor d'un bleu profond, et les spectateurs se sont peu à peu évanouis dans les rues avoisinantes, baignés par les dernières notes de ce mémorable concert et les restes de la douceur printanière qui avait resplendi durant la journée sur Montauban.



Ce concert est disponible sur YouTube : 'https://youtu.be/mSryo3s5GoY'

Publié le 18 mars 2017 par Bruno Maury